Le Défi du premier cross


C'est un jour comme un autre, les conditions sont faibles, le vent n'est pas trop fort, les nuages ne sont pas développés et, de toute évidence, ne le seront pas, mais le soleil baigne le décollage de Saint Hilaire et je me sens pousser des ailes.

Tout en dépliant ma voile, je vois partir 4 parapentistes de bon niveau. Après quelques tours dans le bocal, les voilà qui disparaissent derrière les décollages delta, ils s'en vont aux antennes, première étape du Saint Eynard.
Mon coeur bat un peu plus vite.
Je m'empresse de finir ma prévol tout en faisant attention de ne négliger aucun point de ma " check list " de sécurité. Enfin je boucle mon casque, respire un grand coup et contemple nos montagnes en attendant mon tour de décoller. Voilà, c'est à moi d'y aller, les manches sont toutes dans la bonne direction. C'est assez rare à Saint Hilaire mais ce n'est pas un gage de bonnes conditions une fois en l'air. Je fais le vide dans ma tête, un petit effort de deux ou trois secondes et j'entends ma voile se mettre en place au-dessus de moi, encore quelques pas faits avec conviction et ma voile me soulève de terre, m'amène vers cet univers réservé jusque très récemment à ces espèces d'emplumés qui nous font toujours la nique.
Pas de temps à perdre, je mets le cap sur Château Nardant. L'objectif est de suivre les Quatre Mousquetaires de tout à l'heure. Ils doivent déjà y être. Arrivé aux antennes, je fais un bout de chemin avec une Vision bleue. Bien qu'étant assez indépendant j'adore voler à plusieurs. Une fois à Château Nardant, je monte péniblement à 50 ou 100 mètres au-dessus du sommet et commence la traversée de la combe du Manival en invitant une Epsilon à me suivre.
Arrivés sur le Manival, l'Epsilon a perdu plus de 50 ou 100 mètres par rapport à moi. On bataille comme des fous pour essayer d'être à une hauteur suffisante pour continuer la balade. Mais l'Epsilon est trop basse et ne peut se refaire. Pour moi, après 200 mètres de gain, je décide de longer les falaises. Je suis dans du zéro plus et j'en profite, bras hauts. Après 5 minutes, je croise mes quatre mousquetaires. Deux d'entre eux sont au-dessus du relief, les deux autres étant à mon niveau. On se salut d'un signe de la main et chacun continue sa route. La mienne me conduit à un thermique qui permet de surplomber les reliefs. Ah c'est quand même plus agréable comme ça! Mais rien n'est jamais acquis, c'est du zéro moins qui m'entoure et c'est sous le relief que je rejoint le Saint Eynard. Là, c'est pas très sain, je fait juste le minimum, je dépasse le fort, je fait un 180 et direction le bercail, pour sortir de ce guêpier.
Le retour commence plutôt bizarrement. On dirait qu'une vague d'air monte côté forêt (NO) pour retomber côté falaise. Mon vario indique -5m/s et je suppose qu'en volant plus prés du relief, je serais sous la vague, " dans le tube " dirait un surfeur, et me ferais moins dégueuler. Mais je continue droit devant en prenant mes distances d'avec le rocher, c'est plus sûr. La descente aux enfers dure un bon moment; quand, soudain un thermique vient me remonter le moral, et pas que le moral.
Il m'emmène au-dessus des crêtes. La tentation est très forte de rester côté forêt, ça a l'air bon, mais mon inexpérience et mon " refus de l'engagement " (comme diraient certains grimpeurs) me condamnent à rester côté falaise. Je continue donc jusqu'au Manival où j'enroule une ou deux pompes avant de rejoindre Château Nardant. Là, je m'imagine assez haut pour atteindre l'atterro. Je file donc tout droit sur Lumbin. Et, c'est grâce à quelques pompes à peine enroulées que j'arrive 300m au-dessus de l'atterrissage.
Le but est atteint, je suis heureux. Après deux ou trois ans d'espoir, quelques tentatives infructueuses et une heure et demi d'émotion, j'ai enfin fait un cross digne de ce nom en France. Ca restera, pour moi, un merveilleux souvenir.
Nick'Air


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