La Prévol : l'aile... et le bonhomme alors ?
Un samedi d'octobre 96, le tremplin de St Hil, les conditions sont exceptionnellement bonnes pour cette période de l'année.
Après montage de l'aile, préparation du matériel, vario, alti, badin, on assiste au décollage des copains plus motivés.
Je serai le dernier à décoller, bien que la visite prévol de l'aile ait déjà été effectuée, je recommence.
Les élèves de l'école se préparent pour leur 2eme rotation de l'après-midi et moi je temporise ; en fait la prévol indique que "JE" ne suis pas prêt. Trop nerveux, trop tendu, pas dans le bain en quelque-sorte.
Je ne décollerai qu'une heure plus tard après avoir ressenti un déclic, un relâchement musculaire qui rétabli un niveau de tension nerveuse acceptable ; c'est un peu la sensation d'être enfin présent au bon endroit, quelque-chose comme ne plus être un étranger pour les masses d'air en mouvement ; un besoin, une envie de se fondre dans cet élément, de se couler dans ces vagues invisibles.
Malgré le départ tardif, un vol d'une heure et quart sera la récompense de cette raisonnable patience.
Samedi 01 février 97, le temps est magnifique à Laragne, le but du jeu est de mettre un mouchoir sur les soucis mineurs, tels que voitures en panne, tendinite tenace, plantages aléatoires du PC, retard de parution (ndlr: devinez de quoi !), ou majeurs et quotidiens comme le marché du travail, les problèmes familiaux, les relations... plus ou moins amicales, enfin, tout ce qui assombrit l'environnement immédiat et le transforme en grisaille volcanique, en agressivité potentielle, en charges négatives, en tension foudroyante, le tout accumulé au bout des yeux, au bords des doigts ou au fond de soi.
Les deux heures de route avec une équipe réduite mais décontractée, deux copains pilotes spécialistes des blagues salaces et du " sérieux s'abstenir ", un chauffeur de charme et même un nouveau membre du club, adepte du chiffon gonflable, auraient dû dissiper tout ou partie de ces énergies malsaines.
Un léger sud ne donne pas trop d'espoir pour un départ en cross, l'absence de toute velléité de nébulosité confirme ce diagnostic ; bon, tant pis, on n'ira pas jusqu'à Fréjus !
Le casse-croûte est avalé, le matériel monté ; tiens, il me manque une roue ! ben ... faudra faire sans et se poser correctement ! Pas terrible pour une reprise !
Puis l'attente commence ; le sud, y en a plus, plus un brin, pas un poil, même pas un duvet.Pendant quelques morceaux d'heures, la seule distraction, vu ma position en deuxième, était de juger la qualité acoustique et harmonique des développements intestinaux de Pascal. Je peux affirmer que les écarts de quinte n'étaient pas précisément respectés ! Comme il ne jouait que sur 2 tons je ne peux rien en dire d'autre ni d'ailleurs de la coloration olfactive dont l'analyse, Dieu merci, m'a été épargnée par l'absence de Sud justement.
Le concert s'appauvrissant, le penon sur le décollage au sommet indique souvent une brise dont nous sommes totalement exclus.
Un parapente nous fait la nique en décollant de là-haut et qui plus est, en prenant 100 m (dans du
+ 4 dira-t-il plus tard !?!).
Enfin tout ceci nous décide, mon aile, mon harnais et moi le porteur sans titre, à griller une vingtaine de minutes pour rejoindre ce mirage, suant et ahanant comme une bête de somme. Après avoir présenté élégamment ma révérence à chaque voiture rencontrée sur le chemin où deux véhicules (à roues et à ailes) ne peuvent se croiser de front.
J'ai le sentiment alors, de dissiper dans cette gymnastique, ce qu'il me reste de concentré de hargne, de rage rentrée, et d'écraser le monde de mes soucis sous la pataude migration de cet équipage.
Bien entendu, arrivé en position, une bonne brise de sud me réjouit le coeur, mais je ne suis momentanément plus en état de décoller ; il faut récupérer cette dépense d'énergie afin d'être prêt pour la prochaine bouffée. Le temps de retrouver un flux pulmonaire cohérent, d'écouter la pompe à gros rouge diminuer sa cadence infernale, d'évaporer la sueur, d'identifier sa piste de décollage ( à droite ou à gauche du buisson qui est tout en bas ?), de regarder les penons, à gauche, à droite et tout là-bas à l'extrême droite, il faut se rendre à l'évidence, à l'ouest y a du nouveau et c'est même parfois quasiment nord ! Du sud on en fait plus mon bon monsieur !
Trois quarts d'heure après, Pascal et Jérome ont décollé dans rien sous la route, Steph lance son gonflable un peu plus haut que moi et décolle à la deuxième tentative, dans un trou de vent arrière.
Du sud il n'y en aura plus, décrète le pessimiste que je suis ; il ne me reste donc plus qu'à mettre la patate en décollant quand les penons sont au minimum de l'érection que leur procure les caresses fermes de l'ouest .
Voilà, maintenant ils pendent lamentablement, on y va ; hardi petit, à fond la gomme, mais ça ne porte pas fort. Encore plus de gomme et... c'est là que le pied gauche choisit une pierre qui roule....la cheville n'approuve pas ce choix et démissionne, l'équilibre se fait la malle, l'incidence devient piquée, le rideau va tomber très vite sur cette scène en accéléré !
Oh temps suspends ton vol, le mien sera de toute évidence de courte durée, les autres pierres qui elles ne roulent pas, résistent au choc, le montant gauche s'éclate, la barre de contrôle tourne sa veste et prends la forme inverse, et moi... et moi.?..et moi...!
Le style projectile, je connais (une histoire de fil dans vli n°52). Donc, sitôt la situation stabilisée, je mets un doigt sur mes lèvres par expérience, et effectivement, le verre de mes lunettes y a encore laissé des traces indéniables de son passage, le con ! Et si j'ai encore le casque sur la tête, le liquide qui coule à l'intérieur n'est pas de la grenadine !
Les branches de lunettes sont sur leur fil de maintien, les verres tout rayés de honte se terrent, atterrés, les verres de vue seront retrouvés un peu plus loin, un peu plus tard, un peu trop marqués par cette expérience. Cette fois c'est décidé, je cherche un autre système de lunette !
Les paraspectateurs du coin n'en reviennent pas de voir le mec se relever tout seul après un pareil choc. Certain dira que j'ai percuté à 50 km/h ! Je sais que je suis léger et que je cours vite mais quand même !
Pour une fois, le matériel a été mis à plus rude épreuve que le paspilote.
Bilan de l'opération :
- Un casque définitivement hors d'usage après avoir prouvé son efficacité.
Disons que sans lui, je ne serais pas en train de délirer ce récit, la perforation subie au niveau de la jonction frontal/pariétal gauche, n'a rien de comparable avec celle du poinçonneur des lilas !
- Un montant décédé dans le rôle du comique qui se fend la gueule, présente au ciel son moignon déchiqueté.
- Un pied de trapèze affiche un torticolis de belle facture.
- J'ai bien cru détecter une forme de quille quelque peu fantaisiste, mais une vérification ultérieure innocentera cette pièce intacte. (Merci Papy pour avoir par la même occasion, redonné vie et juste forme à la barre de contrôle).
Au fait, pendant que les spectateurs toujours à moitié rassurés sur mon sort, remontent le véhicule accidenté, et moi le pilote vexé, j'ai une petite, oh toute petite envie de mordre quand la brise me flatte le dos ; les penons de gauche me confirment la présence d'une bonne bouffée de sud, bien appuyée, bien régulière qui, pour mieux me narguer, s'esclaffe d'un long souffle ironique.
Pour me consoler, j'ai ce jour-là, eu le grand plaisir de me laisser dorloter par une pharmacienne aux gestes doux et précis, vêtue de charme et d'élégance, et qui plus est, d'une grande beauté. Non, je n'étais pas sous le choc, ni dans le brouillard ; j'ai des témoins.
Est-ce mon manque d'affection chronique qui, par le biais de cet accident, m'a poussé à venir me faire soigner ici ?
En conclusion plus terre à terre, dans ma hantise de courir pour compenser l'absence de vent favorable, n'aurais-je pas, un peu crispé sur les montants, figé le trapèze sur une incidence trop faible ... ?
Taitenpierre
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