Le Biplace Delta
Interview d'Alain par lui-même (c'est la meilleure façon d'éviter les questions pièges !)
Q : Alain, tu es depuis peu pilote biplace. Donnes-nous tes motivations (Je me tutoie car je me connais un peu).
R : Avant de parler du biplace, il faut que je vous parle du delta "tout seul", des deltistes et de notre immense terrain de jeu : l'air. Car les émotions, les joies, les bonheurs que le delta solo nous fait vivre expliquent en partie le pourquoi du biplace.
Q : Oui, parles-nous de tout ça. Qu'est-ce qui te pousses dans l'air ?
R : L'air est un milieu magique qui exerce un envoûtement sur tous les "bipèdes" qui osent s'y aventurer. Cet élèment a un côté d'absolu, d'exceptionnel, de valorisant. Le vol, c'est une communion pleine avec l'air (Ça c'est pompeux, mais c'est la dernière fois !).
Q : Qui sont ces deltistes un peu fous ?
R : Fous ! Pas du tout ! Les fous ne volent pas, seuls les anges volent (sexués ceux-là).
C'est sûr, les deltistes sont des égocentriques, pénétrés de leur passion, de leurs projets, ce sont des fonceurs auto-déterminés.
Ils ne voient pas le monde comme les autres : une magnifique prairie n'est pas une prairie, c'est un atterrissage potentiel ; une ligne électrique n'est pas une ligne électrique, c'est un obstacle dans l'approche ; un beau nuage blanc qui se gonfle, c'est une pompe en puissance. Tout est différent à leurs yeux.
Q : Tous les deltistes sont pareils alors ?
R : Pas du tout ! Car à l'intérieur de ce cadre, les personnalités peuvent être radicalement différentes. Ce qui est marrant, c'est que la personnalité profonde des gens est exacerbée. C'est très net sur les atterrissages : vous rencontrez des extravertis qui rigolent, facile d'accès, intarissables, et d'autres qui revivent leur vol complètement à l'intérieur, ils n'en diront pas trois mots, ils sont d'une discrétion absolue.
Mais tous ont quelque chose en commun : une grande soif de vivre, une grande soif de vols.
Q : Le delta est un sport individuel pratiqué en groupe ?
R : C'est tout à fait cela. Chacun à besoin de l'autre, non pour voler, mais pour se sentir bien. Nous sommes de la même famille.
Les deltistes forment une bande de bons vivants qui aiment se retrouver pour repartager, dans une fête, leur énergie, leur trop plein d'émotions. Ils ont envie de refaire en paroles leurs plus beaux vols. C'est très fort de parler d'une passion.
Q : Il y-a-t'il des frimeurs dans le delta ?
R : A terre peut-être ? Mais en l'air, il n'y a pas de rouleurs de mécaniques, pas de demi-dieux des airs. La vanité n'effleure pas le deltiste, l'humilité est omniprésente. A quoi bon faire
"le mariole" en l'air, il n'y a personne pour applaudir !
Q : Revenons au biplace. Pourquoi en faire ?
R : Dans les yeux de quelques amis, de quelques spectateurs présents sur les décollages, on peut lire parfois comme une envie de faire la même chose. Ils voudraient bien, mais n'osent pas ; ils en rêvent, j'en suis sûr.
Nous, deltistes, sommes les porteurs du rêve des autres (C'est beau ça, hein !). C'est difficile à porter les rêves des autres, c'est lourd et en même temps, c'est magique. Faire réaliser un rêve, voilà le pourquoi du biplace.
Lorsque je vis des moments intenses, magiques, je me dis toujours :
"Quel dommage d'être seul !", j'ai envie de faire aimer ce que j'aime. Quand je suis là, sous mon aile, que c'est super beau, les montagnes en toile de fond, le lac en bas, les crêtes du Chat juste en-dessous, c'est génial. C'est le cinéma en cinémascope et en relief pour moi tout seul ! C'est indescriptible car l'écueil des mots oubliés serait trop conséquent (Bôf !). On boit tout des yeux, on s'ennivre de belles images sans craindre l'overdose ! A ce moment, le deltiste n'est plus un homme comme les autres, il se sent petit face à cette immensité et grand face à lui-même ; ces moments sont incroyablement forts.
Q : Si je comprends bien, tu veux partager ces moments forts ?
R : Partager : voilà le maître mot. On veut partager car le delta est un sport d'égoïste pratiqué par des gens généreux (ça y va la brosse à reluire et comme on est jamais si bien servi que par soi-même...). On veut essayer de faire toucher du doigt l'immensité des sensations données par le vol. C'est vrai qu'un vol biplace se sera jamais aussi beau qu'un vol solo, notamment en cross car les ailes bi n'ont pas les mêmes performances, mais un "plouf" pour nous, peut-être une merveille pour un passager non initié.
Souvent après un atterrissage (réussi !), le passager ou la passagère ne trouvent pas les mots pour expliquer ce qui leur arrivent.
Les "C'est super", "C'est extra", "C'est génial" pleuvent alors ; sans oublier les "C'est magnifique", "C'est grandiose", "C'est magique", "C'est fou", "C'est éblouissant", ...
Q : Pourquoi tous les deltistes ne font pas des biplaces ?
R : Là, je n'ai pas de réponse. Il est vrai que tous les pilotes devraient faire voler leur frère, leur sœur, leur ami(e), leur tante, leur oncle, leur grand-mère et leur grand-père... car le biplace est l'AVENIR du delta. C'est en faisant connaître notre sport au plus grand nombre qu'il sera accepté par tous (Utopie ?).
Alors messieurs les Présidents du Club, de Comités Régionaux et même de la F.F.V.L., continuez de nous aider (Faîtes, mon Dieu, que l'assurance n'augmente plus et même diminue !).
Q : Il faudrait songer à conclure !
R : Pour finir : Pilotes, quand vous les verrez ces ailes biplaces, ne compliquez pas leur tâche, facilitez leur approche et rappelez-vous que les aider c'est vous aider vous-mêmes un peu !!
A bientôt dans les airs !
Alain du GCVL
P.S. : Avant de vous quitter, je veux vous dire la vérité VRAIE. Si j'ai fait du biplace, c'était dans l'idée de pouvoir emmener avec moi ma petite femme chérie qui m'a permis de faire mes premiers pas en l'air ! Pour la remercier de supporter un deltiste et pouvoir partager avec elle encore plus de moments "très forts".
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